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  • Fin de l’abattement fiscal de 10 % pour les retraités : tout comprendre à cette mesure controversée
Epargne salariale

L’abattement fiscal de 10 % dont bénéficient les retraités est-il menacé ? Il semblerait que oui : dans le Parisien, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin n’a pas écarté la possibilité de supprimer l’avantage fiscal dont ils bénéficient afin de réduire le déficit public.

On fait le point sur les conséquences de cette mesure.

 

L’abattement de 10 % : de quoi parle-t-on ?

Les pensions de retraite sont, comme tous les revenus, soumises à l’impôt progressif sur le revenu. Toutefois, depuis 1977, l’administration fiscale applique automatiquement un abattement de 10 % sur le montant déclaré des pensions. Le montant de cette réduction est encadré. Ainsi, pour 2025, il ne peut ni être supérieur à 4 399 € par foyer, ni être inférieur à 450 € par pensionné (sans pouvoir excéder le montant brut des pensions et retraites).

Cet abattement s’applique sur le montant brut des pensions ou retraites après déduction, le cas échéant, des cotisations sociales incombant obligatoirement au pensionné et des dépenses effectuées en vue de l’acquisition du revenu, comme les frais d’encaissement.

Cette mesure a été mise en œuvre il y a 50 ans, à l’ère Giscard d’Estaing, sous le gouvernement Raymond Barre. L’objectif est alors de mettre les retraités à égalité avec les actifs, qui bénéficient eux aussi d’une déduction automatique de 10 % de leurs revenus au moment de leur déclaration. Par ailleurs, cette déduction permet de compenser la perte de revenus engendrée par le passage à la retraite.

Pour les actifs, cette déduction forfaitaire de 10 % a pour objectif de tenir compte des dépenses professionnelles liées à leur activité (frais de déplacement du domicile au lieu de travail, frais de restauration, achat de documentation personnelle, etc.). Cette déduction pour frais professionnels ne peut excéder 14 426 € pour chaque membre du foyer en 2025.

L’abattement de 10 % appliqué sur les pensions des retraités n’a pas le même objectif, pour la simple et bonne raison qu’ils n’ont aucun frais professionnels.

 

Retraite : comprendre l’abattement de 10 % avec un exemple

Pour bien comprendre l’impact de l’abattement, prenons l’exemple d’un couple de retraités, Monsieur et Madame Martin :

  • Monsieur Martin touche une pension annuelle de 45 000 € : il bénéficiera de l’abattement maximum de 4 399 € (car 10 % x 45 000 > au plafond de 4 399 €)
  • Madame Martin a une pension annuelle bien inférieure, de 2 000 €. L’abattement minimal de 450 € est voué à s’appliquer.

La somme des abattements pour le foyer fiscal est égale à 4 849 € (4 399 € + 450 €). Or, cette somme dépasse le plafond de l’abattement de 4 399 € qui, pour rappel, est applicable au montant total des pensions et retraites perçues par l’ensemble des membres du foyer fiscal. Sa mise en œuvre s’apprécie par rapport à la somme des abattements de 10 %.

En conséquence, pour le foyer des Martin, l’abattement de 10 % est plafonné à 4 399 €.

Ils vont donc pouvoir déduire cette somme de leurs pensions imposables, ce qui aura pour conséquence de baisser leur impôt sur le revenu.

En clair, ils seront imposés sur 42 601 €, au lieu de 47 000 € (45 000 € + 2 000 €). C’est sur cette somme que s’appliquera le barème de l’impôt sur le revenu :

  • 0 % : en dessous de 11 497 euros pour une personne seule sans enfant ;
  • 11 % : entre 11 497 et 29 315 euros ;
  • 30 % : entre 29 315 et 83 823 euros ;
  • 41 % : entre 83 823 et 180 294 euros ;
  • 45 % : au-delà de 180 294 euros.

Ces taux s’appliquent selon le principe de la progressivité de l’impôt, chaque tranche étant imposée séparément.

La suppression de l’abattement de 10 % aurait donc deux conséquences : certains retraités non imposables aujourd’hui le deviendraient, et les retraités actuellement imposables verraient leur impôt sur le revenu augmenter.

 

Pourquoi l’abattement est-il menacé ?

L’objectif du gouvernement est clair : faire des économies via la suppression des niches fiscales afin de réduire le déficit public qui s’est creusé à 5,8 % du PIB en 2024. Et ce dernier envisage désormais de mettre les retraités à contribution via la suppression de l’abattement de 10 %.

Interrogée par le Parisien, Amélie de Montchalin a expliqué qu’on « ne peut pas indéfiniment mettre à contribution les actifs pour financer les nouvelles dépenses sociales liées au vieillissement ». La ministre a ainsi indiqué que, dans le cadre du conclave sur la retraite en cours, « les partenaires sociaux regardent l’ensemble des sujets », et, parmi eux, « les avantages pour les retraités ».

Le tabou est donc levé : les retraités pourraient participer à l’effort national visant à redresser les comptes publics. Si une telle mesure était adoptée dans le cadre du budget pour 2026, elle pourrait rapporter 4 milliards et demi d’euros par an. D’après les estimations de l’Observatoire français des conjonctures économiques, les 5 % des foyers les plus aisés seraient davantage mis à contribution, avec une augmentation moyenne d’impôt de 850 € par an.

La mesure est fortement décriée, notamment par le syndicat UNSA-Retraités qui estime que la suppression de cet avantage « augmenterait la contribution fiscale de 8,4 millions de retraités, soit la moitié de l’ensemble des retraités, et dans cette moitié, tous ne sont pas riches ».

Quant au nombre de retraités qui deviendraient imposables si une telle mesure était mise en œuvre, il reste difficile à estimer. L’UNSA-Retraités s’est risquée à avancer un chiffre de 500 000, une estimation partagée par la Fédération des associations de retraités (FNAR).

Affaire à suivre.

Previssima – Publié le par A. Martinen